Tous les silences ne font pas le même bruit

je tiens le livre de Baptiste Beaulieu, tous les silences ne font pas le même bruit
Tous les silences ne font pas le même bruit — Baptiste Beaulieu

L’auteur dis « tu ». Il parle à l’enfant, l’adolescent qu’il a été. Il parle à tous ceux qui ont souffert ou se sont tus, à toutes celles, tous ceux qui se taisent encore, ou qui mentent pour se protéger. Ce silence/mensonge qui a valeur de placard. Lisant Tous les silences ne font pas le même bruit, je pense égoïstement à ma mère, ma sœur, mes ami·e·s (hétéros) et je les imagine, ce livre entre les mains. Lisez, leur dirais-je, et vous comprendrez un peu quel enfant inquiet j’ai été et comment je me suis construit malgré le bruit assourdissant des micro-agressions (et l’homophobie) vues, lues, entendues et vécues. Je les ai vues, lues, entendues, vécues. À la maison, à l’école, à la télé, dans les vestiaires, dans la rue.

Je pourrais citer tant et tant de passages du livre de Baptiste Beaulieu.

Tu ne sais pas l’impact que peut avoir cette rangée de monstres(1) aux personnalités violentes, aux actes ignobles, vicieux et retors, dans une psyché en construction. Comment étalonner son amour-propre quand le modèle standard qu’on nous propose est celui de l’épouvantail ?

Le mot épouvantail apparaît plus loin, évoquant une tragédie dont les détails glacent le sang. Le meurtre homophobe. Un de plus. Un de trop. Matthew Shepard(2), tué, attaché à une barrière au bord d’une route du Wyoming, dans l’Ouest américain.

Les automobilistes l’avaient pris pour un épouvantail. (…) Oui, tu as des couloirs de souvenirs remplis d’épouvantails. Ils posent, tous, un index sur leur bouche pour t’intimer le silence.

L’auteur évoque bien davantage, raconte et interroge ses pairs (il est médecin), ses lecteurs. Parle de féminisme, de masculinité toxique, du système hétéronormatif, patriarchal délétère. Ce ne sont pas, chez Baptiste Beaulieu, des concepts théoriques. Il argumente, il détaille, il apporte des témoignages percutants, bouleversants.

Je digresse et livre une anecdote personnelle :

Qu’a dit, qu’a fait la société pour que mon oncle considère son inclination pour les hommes comme honteuse ? Il m’a confié ce secret avant de mourir, m’a fait jurer de ne jamais le dire à ses enfants. Mais ses enfants, mes cousines et cousins ? Lisent-ils mon blog qu’ils ne sauraient pas que je parle de leur père car j’ai trois oncles qui ont été père et tous les trois sont morts. Chacun avec ses secrets.

Fin de l’aparté.

Je conclus ce billet avec la question posée par l’auteur. Il répond avec ironie et brio aux réflexions homophobes qui surgissent encore trop souvent.

Pourquoi éprouvez-vous le besoin d’afficher votre hétérosexualité partout, dans la rue par exemple, en vous tenant par la main ? Ne pouvez-vous pas réserver ces démonstrations d’affection à la sphère privée ?



Baptiste Beaulieu, Tous les silences ne font pas le même bruit, éd. L’iconoclaste

(1) Baptiste Beaulieu a fait une liste non exhaustive des psychopathes au cinéma (pas tous, mais beaucoup), fatalement gays, lesbiennes ou trans.

(2) Matt Shepard is a friend of mine (le film)

J’ai saisi l’opportunité du défi IWAK : Inktober with a keyboard, EncrOctobre avec un clavier 😉 Le mot du jour : épouvantail.

Commentaires

  1. Noé

    ❤️ sur toi, camarade, dans ce monde en rage…

    • Ce billet n’appelait pas le réconfort ou l’empathie mais merci 👍 Encore que. On ne sait jamais comment sont reçus les billets, dans quelle disposition est le lecteur. Il faut partager le livre de Baptiste Beaulieu 😉

  2. Oh ça me fait plaisir, car j’avais pensé à Matt Shepard, j’avais aussi été touché par cette anecdote avec l’épouvantail qui est le summum du sordide. Et je garde toujours cette citation en moi « Le seul endroit où il n’y avait pas de sang sur son visage, c’était là où ses larmes avaient coulé. »

    • C’est atrocement imagé. On ne peut que s’identifier et être effaré par ce qui lui est arrivé. Ce qui peut nous arriver au coin d’une rue. Raison pour laquelle je ne manifeste jamais ma tendresse pour mon mari dans les rues marseillaises. Pas la ville la plus ouverte d’esprit sur le sujet. Et par mon attitude, les homophobes de tout poil gagnent, hélas. Puis ils perdent, j’ose espérer, avec le succès de ce livre.

  3. A tous ceux qui se taisent, je vous souhaite le bonheur, et que la voix de Baptiste Beaulieu porte loin la vôtre.

    • Merci Isa. L’auteur parle beaucoup des femmes, premières alliées des gays et surtout précurseures de toutes les luttes.

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