Illustration(1) : 18 francs 😱
Jeune et plein d’illusions, je monte à Paris. Monter à Paris, l’expression résume en un cliché le rêve de cinéma que j’ai touché du doigt. On est en 1998. Je foule alors les planches d’une scène universitaire. Nous interprétons Après la pluie de Sergi Belbel. L’amie Marie-Yves qui accompagnait Philippe Caubère dans sa tournée sur les textes d’Aragon vient m’applaudir. Et me glisse un conseil :
— Prends des cours de théâtre.
Elle sous-entendait, que dis-je, elle m’avouait clairement que ce soir-là, je n’étais pas bon comédien. J’ai suivi ses conseils.
C’est fou la naïveté qui me caractérisait alors. Ce côté candide m’a pourtant aidé dans beaucoup de mes démarches. J’ai débarqué sans le sou à Paris (il faut être inconscient pour ne pas préparer le terrain avec quelques économies) et j’ai fait des rencontres providentielles. Exemple, on m’a prêté un appartement parisien, durant plusieurs mois, le temps que je trouve mes repères, sans contrepartie ni faveur.
Je me suis inscrit au cours Florent. Je n’ai pas aimé, j’ai quitté le cours. J’ai compris tardivement que l’esprit de compétition féroce était constitutive du métier et je pensais bêtement naïvement qu’on repèrerait mon talent sans que j’aie besoin de piétiner mes congénères. Mon talent, c’est vite dit.
Sans technique, un don n’est qu’une sale manie. — Georges Brassens
J’ai travaillé. J’ai sué corps et âme, avec l’aide de camarades de classe (Isabelle, Amandine, dont j’admirais la technique et la drôlerie), au cours Périmony. Avec l’aide de professeurs, Georges Didier pour n’en citer qu’un. J’ai exploité mon côté ravi de la crèche dans des scènes de Molière (j’ai fait corps avec le personnage de Pierrot dans Dom Juan). J’ai écumé les castings, les soirées, les avants-premières au théâtre. J’ai envoyé des lettres à Jean-Michel Ribes, à Alfredo Arias, à tant d’autres. Certains m’ont répondu. Dit avec élégance qu’ils n’avaient pas de place pour moi. Je me souviens de la courte conversation téléphonique avec l’adjointe de Ribes (directeur du Rond-Point) me disant texto :
— Oh c’est dommage, vous auriez appelé hier, le poste était pour vous…
Minute papillon ! Je ne vais pas vous écrire par le menu en un billet les 7 ans qu’a duré mon parcours à la fois chaotique et merveilleux dans le monde du spectacle vivant. J’étais passionné et fier d’avoir pu glisser un orteil dans l’entrebâillement de la porte, d’avoir pu tenter ma chance, d’être reçu à la radio pour parler de mon travail. Ému qu’un Immortel(2), un immense poète et dramaturge se lie d’amitié avec moi. Fier au point de montrer la licence d’entrepreneur de spectacles délivrée à ma compagnie de théâtre par la DRAC à la gardienne de mon immeuble (non, je plaisante). Aucun remords, aucun regret. J’ai vécu des moments extraordinaires, d’autres moins glorieux, tous m’ont enrichi.
Je disais donc, minute papillon ! J’écris ce billet autour du mot caméra(3) et vous livre, c’est cadeau, trois anecdotes. Bon, la deuxième n’est pas de première fraîcheur car je l’ai racontée ici et là. Le statut précaire d’intermittent passait par la quête effrénée de cachets. Donc de figuration.
1. Je ne compte plus les passages dans la série La Crim. Les déambulations dans les couloirs du studio transformé en commissariat, les bras chargés de dossiers, ne donnaient à l’écran que de pâles ombres passant derrière des stores baissés. Au top départ du stagiaire régie, tu allais d’un point A à un point B. Difficile de percer dans le métier avec le rôle d’une ombre, aussi incarnée soit-elle.
— Je t’ai vu dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, m’alerte un jour une amie.
2. Mon apparition derrière le comptoir du fromager, rue Lepic, avait été conservée au montage. Ou plutôt n’avait pas été coupée, parce qu’Amélie traversait la rue, bras dessus bras dessous avec l’aveugle, lui distillant oralement tous les détails d’une vie foisonnante à Montmartre. Pareil à un chewing-gum, je m’étais étiré de tout mon long pour l’espoir minuscule d’apparaître à l’écran. Mon quart de seconde de gloire : je tâte des œufs dans Amélie Poulain.
Ce billet long comme un dimanche sans gluten (vous êtes encore là ?) pour raconter des bribes de ma vie parisienne.
3. Pour conclure, je boucle la boucle avec l’anecdote me ramenant avant mon voyage à la capitale, au tournage de l’adaptation (médiocre, disons-le) du roman La cousine Bette de Balzac avec Bob Hoskins, Hugh Laurie, Elizabeth Shue, Jessica Lange. C’était dans la région bordelaise. Même à mon très modeste poste de stagiaire régie, je vivais déjà mon rêve de cinéma. La production exigeait que les rushes soient envoyés chaque fin de journée par avion vers l’Angleterre. Les cent et quelques fourmis qui œuvraient à la fabrication de ce film savaient qu’à l’heure dite il ne fallait pas me déranger. Ma mission : les boîtes à film en métal sous le bras, je traçais la route à bord d’une des voitures de la prod pour les confier à mon binôme qui prenait ensuite l’avion pour Londres avec ces mêmes précieuses boîtes. Pour ça et pour quelques souvenirs de tournage, j’ai mon nom au générique de fin : unit driver (chauffeur de production).
J’ai sympathisé avec un des assistants de Jessica Lange qui m’avait promis au moins le même poste sur le tournage d’un film à très gros budget l’été d’après à Malte. Il y avait fatalement une place pour moi. Même stagiaire, ça m’allait. Sur ses conseils, j’ai refait faire mon passeport et j’ai attendu.
Je n’ai jamais été à Malte. C’est vous dire à quel point j’étais candide. Crédule ?
J’ai emprunté le titre de ce billet au dernier titre de Kylie Minogue. Merci Kylie 😉 Je vous ai dit que j’ai failli rencontrer sa sœur ? En tout cas, elle a vu ma photo.
(1) C’est bien moi sur l’affiche qui illustre ce billet. Photo prise par un ami qui n’en revenait pas de voir ma pomme chaque fois qu’il ouvrait la fenêtre de son appartement lillois.
(2) C’est ainsi qu’on surnomme les membres de l’Académie française(3) IWAK : Inktober with a keyboard, EncrOctobre avec un clavier 😉 Le mot du jour IWAK était caméra.
Tu aurais dû lui dédicacer l’affiche 😉
Pour cela, il eut fallu que j’aille à Lille et monte sur une échelle. Et dire que je n’ai jamais été à Lille…
Alors là… McDo, un Immortel et les œufs d’Amélie Poulain !
Je reste éberlué et un tantinet admiratif ! (Même si je n’ai jamais aimé Amélie Poulain, à la différence des triple cheese…)
Tout immortel soit-il il est mort récemment. Mais à 103 ans.
Laurent, il est toujours très plaisant de te lire et, même si tout n’est pas neuf pour moi, de savourer tes expériences de jeune plein de rêves…
Heureusement, la réalité t’a conduit au bonheur.
Des bisous de Bruxelles.
Au bonheur et contre toute attente, à Marseille 😎
Bises itou 😘
ça donnerait presque envie de regarder « La Crim » pour te trouver (façon « où est charlie » ) ! Mais n’exagérons rien. Bravo pour cette persévérance en tout cas!
Autant chercher un aiguille dans une botte de paille et le jeu n’en vaut pas la chandelle 😉
Oh cette photo publicitaire a dû rendre tes parents un peu fiers non ? Les miens auraient été dingues !!!! 🤓 Je me souviens l’avoir déjà vue en ligne il y a quelques années sur nos réseaux. En revanche je vais revoir Amélie juste pour toi !!!!!
Il faut revoir Amélie pour Amélie 😉 pas pour mon quart de seconde de « gloire ». Difficile de savoir que c’est moi, d’ailleurs. Je me demande comment mon amie a fait pour me reconnaître. Les panneaux McDo ont fleuri dans certaines régions, certaines villes, pas dans ma région. En revanche, ce qui est drôle ce sont les tracts et les affiches dans les bureaux de poste. Dans le village où j’ai vécu enfant, une amie s’est rendue au bureau de poste et a dit à la guichetière : je le connais ! C’est drôle. Ce qui est dingue (toutes proportions gardées) c’est que cette affiche figure aussi dans le film Bienvenue chez les Ch’tis.
Amélie Poulain le film que j’ai dû voir 3 fois à l’époque où j’avais une carte de cinéma à la con ou unlimited. J’ai donc vu 3 fois Mr Fraises sans le savoir et sans doute d’autres illustres inconnus figurants. Hélas le film n’est plus disponible sur les plates-formes de streaming en France. C’est dommage. Par contre je ne chercherai pas à voir (et pas revoir) Bienvenue chez les Ch’tis dont on peut grandement se passer.
Quand je l’ai vu, Bienvenue chez les Ch’tis, j’étais probablement de bonne humeur et bon public 😉
Et l’extrait en question, c’est un tract sur le comptoir, y a que moi qui peut deviner 😂