Au bureau, je pense à ce soir. Peu sociable (au boulot, surtout), j’ai trouvé la parade pour faire fuir Colin Robinson1 (l’un des nombreux sobriquets d’un de mes collègues). Il toque à la porte, s’étonne de voir les fenêtres ouvertes. T’as pas froid ? dit-il. Je réponds : Du tout. Et il repart comme il est entré, sans oublier de lancer un « à plus tard ». Je retourne quant à moi à mes pensées. Entre deux bâillements, je vais à l’étage du dessous. La tasse en main, je gagne un coin ensoleillé du patio, aussi loin que possible des congénères qui évoquent l’actualité anxiogène (l’élection du cornichon auto-bronzé). La chanson Désenchantée dans les oreilles, je songe plutôt à la soirée festive qui m’attend.
J’ai découvert Mylène Farmer en live, sur le tard, en 2019 pour son concert à La Défense Arena (9 dates, 27 000 spectateurs chaque soir). Ce fut la claque. L’atmosphère quasi mystique, l’entrée en scène démentielle, les décors inspirés par l’univers du film Blade Runner, la fin dramatique dans les flammes (rappel de sa première tournée en 1989), la puissance musicale et vocale pour M’effondre m’ont scotché. Mon mari fan de la première heure peut témoigner, j’étais bouche bée, impressionné, conquis.
Ce soir, ce sont plus de 210 000 personnes qui vont remplir les salles de 613 cinémas partenaires pour la diffusion à 20h tapantes du film de François Hanss. La captation qualité ++++ de la tournée des stades (2023) de Mylène Farmer. Les médias s’en font l’écho. Même ma chère maman du fin fond de sa chambre cosy de l’ehpad en Charente sait et viendra aux nouvelles. Nos amies en sont.
Y a des amitiés qui démarrent avec un rien. La voisine de pupitre à la fac qui me raconte (alors que je ne la connais ni des lèvres ni des dents) pendant le cours de linguistique, sa nuit de débauche, ça matche. Le chat de la voisine de palier rapproche la voisine de ses voisins, Joëlle se joint à nous ce soir. Le chien que nous promenons dans l’impasse a le coup de foudre pour Simone, nous adoptons Simone, nous devenons amis. Simone n’a pas échappé non plus aux extraits en 4k, sur notre 65 pouces, en dolby atmos. Mylène Farmer qui « fait tapisserie » dans la boutique de Patou et Sylvie déclenche les bavardages chaque fois que mon mari s’y rend, ils deviennent amis. Elles ont entre les mains les places numérotées d’une douzaine de spectateurs, dont les nôtres.
Ce soir au cinéma, on rallume les étoiles.
Débrief 08/11 👇
Un vrai plaisir. Pas l’ambiance de folie qu’on espérait mais une soirée sympa2. Ça n’est certes ni une salle de concert ni un stade. Les fauteuils club inclinables jusqu’à l’horizontale, ça ne prête pas à la fête ou aux mouvements de foule. Ça n’a pourtant pas empêché mon voisin de gauche d’être en transe pendant les morceaux calmes. Avoir un dauphin qui ondule et applaudit à tout rompre, c’est perturbant. De même que (et c’est beaucoup plus courant) les spectateurs qui se sentent obligés d’envoyer à leurs proches (qui s’en carrent peut-être le fondement) des stories en direct ; ou lisent leurs SMS etc. Envie de les éclairer pleins phares avec la lampe de mon téléphone jusqu’à ce qu’il ne reste sur le fauteuil que leurs cendres. Je récupère les objets de valeur dans les sacs à main et les revends sur Vinted au profit d’une œuvre caritative.
Mais je m’égare, ni Mylène ni François Hanss, le réalisateur, ne sont à blâmer.
Côté technique, bilan en demi-teinte pour au moins 2 personnes dans la salle (mon mari, grand fan, et moi-même), ça compte hein. Un problème de netteté pour de nombreux plans. J’ai l’impression que François Hanss a fait avec les moyens du bord ou, à tout le moins, avec ce qui a été tourné à Lyon ce soir-là. Le début, pas foufou : filmer l’écran qui diffuse un envol hypnotique de corbeaux, ça reste une caméra qui filme un écran, tout ça diffusé sur les écrans, on peut mieux faire : par exemple, diffuser la vidéo ou partie de la vidéo originale (jdcjdr3).
En résumé, c’est nettement en-dessous du film de 2019, tant sur les moments spectaculaires que sur le son, l’image ou l’émotion. Malgré mes réserves, il faut quand même dire tout le bien que je pense du concert et de sa captation. Les plans larges, le survol du stade, tous les détails (la flamboyance des costumes, les décors impressionnants, les sourires de la star, les visages expressifs et amoureux des spectateurs) concourent à restituer le bonheur d’un concert qu’on a été très très très nombreux à applaudir.
Le film rend justice aux musiciens et aux danseurs (le moment medley est rythmé, énergique, superbe), à la complicité palpable et touchante que la star nourrit avec son équipe (et avec son public, mais ça ne reste plus à prouver).
1 Personnage de la série faux doc sur les vampires What we do in the shadows qui raconte la cohabitation de vampires de nos jours dans un manoir new-yorkais. Colin Robinson est un vampire énergétique. À l’inverses de ses coloctaires, il ne boit pas de sang mais draine l’énergie de ses interlocuteurs à force de discussions barbantes. Vous comprenez pourquoi j’ai surnommé mon collègue Colin Robinson… J’ai d’autres techniques pour le faire fuir ou rendre sa présence plus supportable : j’étale mes affaires sur le fauteuil avant qu’il ne vienne y prendre ses aises (il a une haleine fétide) ou je ne participe pas à la conversation (barbante) ou je fais mine de prendre un appel interminable.
2 J’imagine l’ambiance au Grand Rex où Mylène a fait la surprise de sa présence, une reine saluant du balcon.
3 Je dis ça, je dis rien. (Bah si, en fait, je dis quelque chose). Qui dit ça encore ?
J’y étais aussi 😉 J’ai passé un bon moment. Elle est très souriante, c’est agréable…
On était nombreux ! 210 000 à la même séance !
J’ai adoré aussi, mais j’ai pas eu la chance d’avoir un dauphin assis à côté de moi 🙂
J’ai eu peut être plus de chance, j’ai eu un vague sosie de Mylène…