Sur internet, on aime se cacher derrière un avatar, sous un pseudonyme. Pour mes blogs, j’ai multiplié les noms et les titres loufoques. Ohlebeaujour, titre inspiré par de la pièce presque éponyme de Samuel Beckett pour mon premier véritable espace. Puis des adresses e-mail aussi secouées qu’improbables : taterlegoujon, hein cognito ou Paul Dindon. Mes amis sur Facebook m’ont connu sous le nom de : Laurent aime les épinards ou Laurent Tanplan (je vous vois rouler des yeux consternés.
Mon premier pseudonyme officiel date de 2006. Je devenais traducteur littéraire pour la maison d’éditions J’ai Lu. Un métier que j’ai exercé trois ans durant, et qui m’a passionné. Qui m’a questionné sur l’écriture, sur comment tricoter un roman. Aussi fleur bleue soit-il. Car j’ai traduit 11 romans dits sentimentaux, pour la collection « Aventure et passions ». Tranche, couverture et quatrième de couverture rouge passion. Du sentimental historique sis au 12e siècle, par exemple. Je me souviens d’une histoire dont l’héroïne qui maniait aussi bien le bâton que… le « bâton » du héros qu’elle s’était échiné à détester (en vain). Il s’agissait de retranscrire en français des scènes de combat. Ou, plus proche de nous, des romances se déroulant durant l’époque victorienne. Scènes de combat où le héros roulait des mécaniques, muscles saillants, pour impressionner et/ou délivrer l’héroïne des mains de brigands (oui, on est clairement, que dis-je, on se vautre dans le sexisme). Descriptions élaborées de domaines verdoyants, de nuages moutonnant, intermèdes de charme, épisodes érotiques.
J’ai pour ces derniers vécu des moments de grande solitude. Traduire des scènes de sexe entre un homme et une femme. Eh bien, j’y suis parvenu. Je me suis documenté, j’avais autour de moi des amies pas avares en confidences sexuelles, en vocabulaire, en métaphores olé olé. J’ai encore ce gros cahier où je notais les expressions que je glanais au cours de mes lectures, de mes discussions, de mes découvertes. Dans le roman sentimental, on évite d’écrire « dire » à tous les coins de dialogues. On foisonne. On synonyme. On connaît une tripotée de verbes : des se sermonna-t-elle, s’enquit-il, riposta-t-elle, des tempêta, commenta, contesta, fulmina, grommela, objecta et des se gourmanda-t-elle, j’en ai usé et abusé.
Dans mon cahier, de a à z, je faisais collection de mots et d’expressions. De C pour ma liste de convenances, de F pour femmes (termes élogieux, péjoratifs ou familiers : un joli brin de fille, des péronnelles, une créature, une harpie, une merveille ou une gourgandine), de J pour jurons (fils de catin vérolée !), de R pour regard (regard circulaire, appuyé, furtif, fuyant, prompt, brouillé de larmes, injecté de sang, ou oblique, torve) ou pour finir, à Y pour yeux avec une expression que j’ai dû utiliser une ou deux fois : « seul l’éclat inquiétant qui luisait au fond de ses yeux trahissait la colère qui couvait en lui. »
Je digresse, pauvresse. Ceci pour raconter mon premier véritable pseudonyme que j’ai assumé sur les étalages des buralistes de gare et des hypermarchés au rayon chicklit. Mon éditrice m’avait demandé de lui fournir assez vite un pseudonyme féminin. J’étais trop débutant pour signer dès le début avec mon véritable nom. Ça risquait soi-disant d’effrayer la lectrice. Il fallait un nom de traductrice. Du roman écrit par des femmes pour des femmes (smiley roulant des yeux agacés). Et traduit par un homme se cachant sous un pseudonyme féminin. Le mien, Alice Bergerac.
billet publié sur des fraises et de la tendresse en mai 2012 - réécrit en novembre 2024
J’adore 😂
Et la collection de mots et expressions doit valoir son pesant de cacahuètes !
Bises de la gourgandine pourvoyeuse de fessiers censurés
À ton service 😁
Mon logiciel collecteur de flux RSS m’a signalé ce billet comme nouveau, je l’ai donc lu et j’ai rigolé ayant un peu comme toi du user d’un pseudonyme pour écrire un livre sur un sujet qui était … le truc sur le quel j’étais payé pour travailler. C’est moins sexy que de traduire des romans erotico-roses et était un peu délictueux (ceci dit les faits sont prescrits depuis longtemps) je m’appelais Igor Bozowski ex-du FSB aidant les gens à connecter et chatouiller leur box live de Mr et Mme France Telecom.
Je rapatrie petit à petit (j’en ai pour des mois) les billets qui n’ont pas trop vieilli. Je les relis, les repimpe au besoin. Reste l’anomalie (qui n’en est pas une) de la date. Sur les conseils de Matoo, je garde une certaine chronologie. J’ai d’ailleurs renoué avec les joies d’un agrégateur de fils RSS, pour ne pas louper les billets des blogs amis, dont le tien.
Même s’il s’agit d’une répétition, ce billet est toujours aussi savoureux et me réjouit.
Tellement heureux de connaître Alice Bergerac. Bergerac, c’est limpide. Mais Alice ?
Je rapatrie petit à petit mes billets (pas tous) d’ailleurs pour ici, je les repolish un peu. Alice c’est pour l’autre côté du miroir…
J’adoooore !! Alice Bergerac c’est tellement bon !!
Ça sonne tellement pas comme un vrai nom 😁
Les rues près de chez moi sont un bon filon pour moi : la mienne c’est Arsène Leloup. Au bout de la rue : Evariste Luminais, et perpendiculaire : Désirée Colombe, Eugène Livet. C’est à la fois plus français que français, et en même temps ça fait fabriqué ! 😀
ça fait presque noms de drags 😉 ça serait drôle ça, de renommer les rues avec des noms de drags : t’habites où ? j’habite boulevard Alaska Tunderfuck.