Billet publié sur des fraises et de la tendresse en octobre 2011
J’ai pu, à deux reprises, voyager presque gratuitement grâce à mon amie hôtesse de l’air. Loin de moi l’envie de vous narguer. Juste raconter. Et démystifier un peu. Par le bout de ma lorgnette d’accompagnant. Certes le personnel navigant voyage souvent gracieusement. On aurait tort d’exiger d’un pilote qu’il retourne se reposer chez lui en province par ses propres moyens (mécaniques et financiers). L’hôtesse peut choisir, à condition que le vol ne soit pas complet, de rentrer à l’heure souhaitée, et même payer un peu (ou beaucoup) pour éviter de rester en carafe. Parce que, naturellement, les clients passent avant.
Je ne vais pas me plaindre d’avoir bénéficié de traitements de faveur.
Ainsi lorsque mon amie m’a proposé au printemps dernier de l’accompagner à Montréal, j’ai dit OUI. Ce genre de choses, on ne les fait qu’une fois. Partir en week-end sur le continent nord-américain, où je n’avais jamais été, du reste. Découvrir en accéléré une ville que j’avais toujours rêvé de découvrir. Et j’y suis retourné. Pas plus tard qu’il y a une semaine. Pour un peu plus longtemps mais à peine plus. 8 jours.
En avril dernier, j’endossais le rôle de l’accompagnant modèle. Car il s’agit d’abord de jouer la carte de la discrétion, tant vestimentaire que comportementale. Et d’éviter tant que faire se peut d’être une charge, de donner du travail supplémentaire à l’équipage. Mon amie, quant à elle, avait revêtu ses habits et sa fonction d’hôtesse de l’air. Elle m’invitait au galley, espace stratégique des hôtesses et stewards, où manipulant ce qu’ils appellent des armoires, elle disposait les plateaux-repas, remplissait la voiture (chariot), allait et venait, gratifiant chacun des passagers qu’elle servait d’un sourire et d’un : « que puis-je vous offrir à boire ? » C’est en gros, à mon sens, la même effervescence (mais avec infiniment plus de discrétion) qu’un service en restaurant à l’heure de pointe. A la différence près que l’hôtesse de l’air qu’on imagine idiote, blonde, décérébrée, connaît l’avion au boulon près et les procédures de sauvetage au centième de seconde près. Un métier éprouvant physiquement et psychologiquement. Je le vois chez mes amies qui, chacune à sa façon, aime ou n’aime plus son métier, choisit d’occulter ou pas le drame de Rio (il n’est pas un vol où l’esprit n’est traversé, ne serait-ce qu’une seconde par la catastrophe de juin 2009) et observe le corps qui encaisse jour après jour les décalages horaires, pressurisation dépressurisation quasi quotidiennes, les nuits sans sommeil.
Lorsque mon amie et moi avons pris l’avion il y a 8 jours pour Montréal, elle occupait cette fois-ci la place de passager. Elle n’était plus obligée, au moins durant ce vol, d’offrir un sourire inoxydable aux clients tyranniques (ou sympathiques) tendant les cadavres des plateaux repas ou un sac papier contenant l’accident de parcours gastrique. Soit dit en passant, j’observais avec stupeur le faramineux gaspillage dont sont coupables les compagnies aériennes : des millions de plateaux et couverts en plastique à usage unique, bouteilles de verre ou de plastique jamais recyclées, d’innombrables produits non consommés, jetés, et j’en passe des vertes et des pas mûres. J’ai fermé les yeux sur ce gâchis pour y prendre part à mon tour. Point de gâchis côté boisson car pas une goutte ne restait dans les mini-bouteilles de mon amie et moi. Que faire lorsqu’on vous livre chardonnay, champagne, porto, puis encore du vin blanc, sinon boire, bavarder, rire, s’empiffrer, et finir par oublier de dormir car on a trop picolé. Davantage picolé que la moyenne car nous bénéficiions de traitements de faveur. L’hôtesse nous forçant à vider nos verres. Le steward nous obligeant à les remplir de nouveau. Mais j’en oublie de raconter mon fabuleux séjour à Montréal !