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Quand je n’ai pas d’autres chinchillas à fouetter, je rapatrie un billet. Je n’ai pas encore déménagé mes perles d’hôtelier qui ont connu leur petit succès (voyez comme je suis modeste). En attendant, voici un appetizer(1) comme disent les Angliches :
* Une cliente japonaise me tend religieusement un bout de papier sur lequel elle a écrit « je regarde ». Ce « je regarde » qu’elle veut prononcer correctement. J’articule pour elle : je regarde. Devant d’autres clients perplexes, elle dit et répète une bonne dizaine de fois je regarde je regarde je regarde je regarde je regarde(2) puis elle prend congé, bienheureuse, comme si elle avait obtenu un précieux sésame.
* Hier, des clients américains s’enquièrent de mon prénom, je réponds « Laurent comme Yves Saint-Laurent, le grand couturier ». J’ironise avec la famille : « Le week-end j’habille les stars pour les soirées mondaines et la semaine je travaille dans l’hôtellerie pour arrondir mes fins de mois. » Dans l’ascenseur, j’entends le fils(3) qui doit avoir la vingtaine dire à sa mère, le plus sérieusement du monde : « Oh il est couturier ! »
* J’ai fait faire un tour de trottinette (mécanique) à ma nouvelle directrice, je pense qu’on va bien s’entendre.
* Un mètre dérouleur traîne à la réception. J’interroge mon collègue. Que fait cet ustensile dans nos tiroirs ? Il répond : C’est une cliente qui voulait mesurer la jambe de sa mère.
(1) Un apéritif, une mise en bouche
(2) Pourquoi « je regarde » ? Timide comme l’est naturellement tout étranger ne maîtrisant pas la langue du pays visité, elle tenait à se prémunir des vendeuses l’assaillant de « je peux vous aider ? » : je regarde !
(3) À quel âge apprend-on l’ironie ?
billet relu et corrigé, initialement publié sur des fraises et de la tendresse en novembre 2014
On dirait presque le début d’un exercice d’écriture:
« Un mètre dérouleur traine à la réception…. »
J’adore ce genre d’anecdotes décalées, farfelues.
Qui racontent le quotidien d’un métier mieux qu’une description linéaire, non?
C’est ma façon de vivre mieux le quotidien, la routine, le banal : y déceler le farfelu, l’absurde.
Votre « la jambe de sa mère » me fait penser à la jambe de ma mère.
Elle se prénommait Félicie et détestait son prénom à cause de la chanson de Fernandel et de son
J’pris un homard sauce tomates
Il avait du poil aux pattes
Félicie aussi
C’est un joli prénom, pourtant. Tout comme les Régis ont dû passer de mauvais quarts d’heure pendant les séquences des Nuls dans Les Nuls l’Émission.
et les Brice après le film Brice de Nice…
je les plains, oui