Alice, l’aînée, participe au spectacle plan-plan du centre de loisirs du village voisin. Les parents dégoulinant de sueur braquent leurs appareils photo sur une progéniture mal aisée voire pleurnichant. Lucie, la cadette, me désigne son chéri qui, depuis la scène improvisée, lui décroche un clin d’oeil énamouré. L’animatrice fait ce qu’elle peut pour pallier les faiblesses de la régie : elle plaque le micro contre l’enceinte qui crache une Macarena fatiguée. Le cd tressaute, le final est loupé, les applaudissements nourris accompagnent les enfants jusqu’aux coulisses où le verre de l’amitié se conjugue au rosé-pamplemousse.
Au milieu d’une gentille cohue près du bar, personne ne remarque le baiser volé entre Lucie et son chéri, 7 ans. Bisou sur la bouche, ni vu ni connu.
Regagnant la voiture, Lucie m’interroge (en fait, elle connaît la réponse à la question, mais elle veut une confirmation). « T’as une chérie ? » « Non, non, j’ai un chéri. »
C’est désormais officiel. Mes nièces savent. Elles ont un tonton tata(1).
(1) Ironie, hein. L’homo lambda (dont je suis) a repris le champ lexical de l’insulte homophobe a son propre compte et s’en sert (a le droit de s’en servir !) volontiers au quotidien pour rire (de soi), mettre à distance, provoquer aussi.
billet revu et corrigé, initialement publié sur des fraises et de la tendresse en novembre 2011