Entre la poire et le From

Entre la poire et le From
— J'ai touché le fond de la piscine Dans ton petit pull marine

Je peux croire aux récits les plus invraisemblables pour peu qu’on se donne la peine de soigner (un peu) l’écriture de l’intrigue, de ses ressorts, des personnages, des dialogues. John Griffin et ses compagnons d’infortune d’écriture sont bons scénaristes comme je suis expert en tutos beauté. J’ai suivi péniblement les 3 saisons (30 épisodes) de leur ouvrage pour MGM+. J’ai ri (ça n’est pas une comédie), je me suis ennuyé comme un ragondin desséché, j’ai surtout eu beaucoup de peine pour ces figurants déambulant, panier à la main, dans les rues de cette petite ville fantôme qui abrite l’histoire toute pétée de la série From.

🚨 Attention, spoiler alert. Vous êtes en train de ou avez l’intention de visionner From ? Ne lisez pas ce billet 🚨

L’intrigue est pourtant prometteuse : une petite bourgade américaine se peuple d’habitants mystérieusement happés, coincés. On ne sait s’il s’agit d’une autre dimension, d’un purgatoire, d’un ailleurs aussi terrifiant qu’irrémédiable (on en apprend un peu plus au 30e épisode, patience). Le jour, on prend son malheur en patience, on déambule, on parle de la pluie et du beau temps. La nuit, on reste cloîtré car les monstres rôdent dehors. La démarche nonchalante (ils ne courent pas, ils sont fatigués), le sourire inflexible (un rictus, plutôt) accroché aux lèvres, ils n’aiment rien tant que de torturer les vivants, les éviscérer parfois. Ils apparaissent de temps en temps. Si l’on en croit l’expression sur le visage terreux (mais maquillé : Tabitha a trouvé un joli fard à paupières) des résidents, la peur règne.

Peu d’action, beaucoup trop de blabla. Les scénaristes usent et abusent d’artifices que ne renieraient pas les auteurs des Mystères de l’Amour : faire raconter une action par un personnage plutôt que la montrer (ça coûte moins cher) ; laisser les acteurs trouver leurs propres répliques (ça soulage les scénaristes) ou dire « il faut rentrer, il va faire nuit » alors qu’on est clairement en plein jour (c’est pratique pour conclure une scène).

Pourquoi m’infliger ça, me direz-vous ? Parce que je suis maso curieux, je veux voir où ça va (spoiler : ça ne va nulle part, c’est même le principe de la série), je regarde From comme on regarde un bon nanar, on sait que c’est mauvais, que ça ne tient pas debout mais on en redemande. Beaucoup de fans (7.2/10 sur IMDB), y compris Pierre Langlais de Télérama (c’est son droit). C’est presque une habitude de la maison : mon mec a visionné l’intégralité d’Under the Dome (que j’ai surnommé Under the Daube) par pure curiosité.

Côté dialogues, je vous l’ai dit, c’est pas foufou. En v.o. comme en v.f., les répliques sont aussi sèches qu’une chip Lays saveur tofu (plates et insipides, donc) : Catalina Sandino Moreno (Tabitha) et ses it’s okay it’s okay, are you okay ? à tout bout de champ. J’ai surnommé Harold Perrineau (qui interprète Boyd) l’acteur qui ne finit pas ses phrases. Mon mec confirme : c’est sa technique (son tic), il fait pareil dans Lost.

Par on ne sait quel insondable mystère, l’intérieur cosy (et un peu destroy) des maisons est éclairé jour et nuit. On ne sait, on ne saura d’ailleurs jamais d’où proviennent les ressources : l’électricité, le téléphone, l’eau courante, l’essence utile pour la fourgonnette.

Tout est téléphoné : je me suis souvent amusé à prédire à mon mec le plan d’après : Fatima et Ellis s’éloignent, je parie qu’il va la demander en mariage. Hébétude ! Ellis demande Fatima en mariage. Attention, le téléphone va sonner. Paf, le téléphone sonne (alors qu’il n’a pas sonné pendant deux saisons). Fatima est nauséeuse ➜ on apprend qu’elle est enceinte ➜ on voit venir à dix kilomètres qu’elle va accoucher d’un monstre ➜ elle accouche d’un monstre. Fun fact : elle ne se nourrit plus que de betteraves pourries, ça tombe bien, la bouffe commençait à manquer cruellement ➜ miracle, on trouve un champ de choux près du lac. Soupe aux choux pour tout le monde ! En vrai, le sujet est effleuré, les gens mangent à leur faim, été comme hiver, ils ont même trouvé des vaches et des chèvres dans les bois, ouf.

En vrac :

* (illustration) Cliff Saunders (Dale) finit l’épisode 5 de la saison 3 coincé dans le mur de la piscine vide. C’est le passe-muraille de Marcel Aymé coincé dans une piscine désaffectée. On l’avait pourtant prévenu : tu rentres dans un des arbres magiques (pas les désodorisants de voiture, non), tu peux ressortir n’importe où. Il n’en a fait qu’à sa tête.

* Boyd parle à un ecclésiaste mort et ça n’en finit pas d’être agaçant. Dans le même thème, Jade taille régulièrement une bavette avec le défunt barman. Sara entend des voix, Elgin voit une geisha défigurée et Randall des cigales.

* Le plus grand mystère jamais dévoilé : d’où sortent ces talismans qui protègent les maisonnées ? Pas une fois en 30 épisodes, un personnage ne s’est interrogé sur le pourquoi du comment. Boyd les a trouvés, c’est tout.

* Donna (Elizabeth Saunders) dit à la fliquette fraîchement arrivée mais jamais départie de son uniforme qui doit quand même sentir le poireau (à moins qu’elle ne lave son uniforme, qui sait) : écoute, je n’ai pas le temps de te faire un tuto pour comprendre cet endroit ! Pour ma part, je n’ai pas besoin de tuto pour saisir qu’il n’y a personne aux commandes, pas de scénariste (de talent) dans l’avion.


Vous avez échappé aux titres de billet suivants : L’autre pays du From ; From-ton (From town) ; Tout un From !

Commentaires

  1. Tu as trouvé ça naze dès le début ? Parce que moi j’ai beaucoup aimé la S1, c’était vraiment ma came avec le mystère et le côté fantastique, un brin lostien (avec un grand Lostien en tête en plus !). Mais pendant la S2, j’ai déchanté, à la fin j’étais circonspect, et là je me demande s’il faut vraiment que je m’inflige la 3ème. Cela m’a fait pareil avec d’autres séries, comme Manifest.

    • Au début, j’ai trouvé ça plutôt bon, prometteur. Je voyais pourtant déjà les défauts (scènes bavardes qui ne font pas avancer l’intrigue (saison 2 et saison 3 en sont cafies). Et puis la maladie qui afflige beaucoup de productions (ça se voit moins quand il y a du vrai talent d’auteur) c’est de tirer sur le chewing-gum jusqu’à ce qu’il n’ait plus de goût du tout. Les plateformes sont friandes de séries, ça apporte de l’audience, ça fait parler, la 1ère saison (souvent) séduit la presse. Et puis 2, 3, voire 4 saisons, ça fait du clic (ou de la bande passante, des vues). On s’est juré de ne pas regarder la saison 4. Tu parles, en septembre 2025 on va être devant nos écrans. Bon, si tu regardes la saison 3, je suis curieux d’avoir tes impressions !

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