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Perplexe pour ne pas dire sidĂ©rĂ© de voir Donald le dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© dĂ©tricoter scrupuleusement l’Ătat de droit et redessiner l’ordre mondial Ă grands traits illibĂ©raux et opportunistes, atterrĂ© par la haine dĂ©complexĂ©e dans notre pays, la dĂ©bandade politique, je cherche la consolation en vrac dans l’immersion d’un roman ou d’un film, la contemplation de l’abeille qui se repaĂźt de giroflĂ©es, un dĂźner avec une amie, les rires partagĂ©s avec mon mec, les articles de presse qui racontent ici ou lĂ la rĂ©paration du monde ou les choses qui vont bien. Je lis aussi trĂšs rĂ©guliĂšrement tout ce qui va mal, j’ouvre les yeux.
Je songe aussi Ă la gentillesse des inconnus.
Triant plusieurs milliers de photos, je tombe sur celle qui illustre ce billet et tant d’autres. Des clichĂ©s qui convoquent deux souvenirs. Le premier Ă Paris quand je travaillais dans l’hĂŽtellerie :
* Quand Richard arrive et me reconnaĂźt, il exprime sa joie de me voir au mĂȘme poste. Un an plus tĂŽt, je l’aidais Ă rĂ©cupĂ©rer sa valise, lourde comme un Ăąne mort. Un rictus de douleur me traverse de part en part. Je fais mine de rien. Il ne saura jamais que sa valise, ou plutĂŽt mon imprudence, a causĂ© six mois de tracas, une entorse grave du poignet droit, fracture du scaphoĂŻde et rupture de ligaments, nĂ©cessitant plĂ©thore de consultations, hospitalisation, opĂ©ration, rĂ©Ă©ducation et tout le tremblement. Je l’accueille avec la chaleur que je m’efforce d’offrir Ă chaque client. Il gagne sa chambre. Je le revois le lendemain. Designer et commercial de sa propre marque, il m’offre un cadeau et toujours un mot gentil. Je considĂšre soudain l’incroyable ironie de la situation. Son cadeau est en quelque sorte une trĂšs jolie et inconsciente rĂ©paration des dommages.
Le deuxiĂšme souvenir en Afrique du Sud :
* L’inconnu qui m’offre une Ă©paule amicale dans un moment difficile. Sans le sou, perdu dans un un village de pĂȘcheurs Ă deux heures de route du Cap en Afrique du Sud, je fais la rencontre de SĂ©bastien. C’est un voisin de tablĂ©e du restaurant que tient la famille de l’ami qui m’hĂ©berge. Je lui livre mon histoire, sans filtre. Il m’invite Ă aller voir les requins avec lui, au large alors que le soleil ne s’est pas encore levĂ©, le lendemain. Le jour de son dĂ©part, il me tend une liasse de rands et sans chichi, me dit adieu et bonne chance.
đ· voici 12 photos de mon expĂ©dition au large de Gansbaai, je n’ai pas de photo du requin vu de trĂšs trĂšs prĂšs ce jour-lĂ mais le souvenir reste vif !
Le gentillesse, au final, câest tout câquâil nous resteâŠ
Mais diiiiis, jâsuis curieuse, câĂ©tait quoi le cadeau ?
Ce sont des pochettes zippĂ©es de diffĂ©rentes tailles et avec design sympa + un boudin-oreiller pour le voyage (sais pas comment on appelle ça, le truc que tu mets derriĂšre la nuque) il se scratche pour pas bouger et tu ouvres le zip, y a une Ă©charpe ou fine couverture en polaire đ
Sympaaaa !
(CuriositĂ© satisfaite, merci âșïž)
Et on voit les requins Ă l’Ćil nu depuis le bord comme ça ? (Me dis pas que tu es allĂ© faire coucou dans l’eau. ^^’) Des grands blancs en plus, ça doit ĂȘtre ouuuuuuf !!!
On Ă©tait une petite huitaine de personnes en combinaison et masque. Une cage mĂ©tallique aux barreaux de laquelle on pouvait s’accrocher. Lorsque les requins (je n’en ai vu qu’un mais de trĂšs trĂšs prĂšs et oui Ă l’Ćil nu) on s’immergeait pour mieux voir approcher le requin. Je m’en rappelle encore. Dans le groupe, y en avait un qui nageait en dehors de la cage o_O
Je me serais fait pipi dessus !!! (Au moins ça rĂ©chauffe. ^^’) Nan mais JAMAIS je ne serais allĂ© dans la flotte !!!!!!!
Je me souviens avoir dit Ă SĂ©bastien : JAMAIS je n’aurais fait ça alors ok, je te suis, faisons-le !
Je viens d’ajouter un lien dans le billet avec quelques photos (sans requin)
Et donc ça fait tout de mĂȘme trĂšs trĂšs peur non ? Mais grisant au fond ou juste terrorisant pour toi ?
Je dirais grisant. Le souvenir d’ĂȘtre dans une expĂ©rience inĂ©dite (jamais je n’y aurais pensĂ© si je n’avais pas croisĂ© la route de celui qui me l’a proposĂ©), d’aller en mer au petit matin, d’ĂȘtre au plus prĂšs d’un animal sauvage craint par tous mais dans des conditions sĂ©curisĂ©es. Pas une fois je n’ai pensĂ© aux films de requins oĂč les barreaux de la cage auraient pu se disloquer đ± je me souviens, j’Ă©tais en confiance mais en mĂȘme temps conscient de vivre un moment exaltant.