Margaret et Ronald d’Albuquerque

Margaret et Ronald d’Albuquerque
Les Vapeurs, Trouville — affiche de Savignac

La dame de la chambre 202 m’a demandĂ© de l’aide pour rĂ©cupĂ©rer les photos de son iPhone. Il s’agissait de mettre en pratique les conseils du vendeur de l’Apple Store, conseils qu’elle avait compris mais bon pas tout Ă  fait. Je l’ai aidĂ©e. Le lendemain, elle s’est prĂ©sentĂ©e avec son mari Ă  la rĂ©ception. 

— OĂč pourrions-nous aller, Ă  quelques heures de Paris, pour voir du beau pays, de jolis endroits ?

J’ai Ă©voquĂ© avec eux le champ infini des possibles, j’ai suggĂ©rĂ© la CĂŽte Basque, un peu trop loin tout compte fait. Ils ont renchĂ©ri : « Et Bordeaux ? » Oui mais l’ocĂ©an serait encore loin. Certes il y a la ville aux 400 monuments historiques, les routes des vins dans le MĂ©doc, l’Entre-deux-Mers. Il faudrait prendre un bus ou mieux, louer une voiture. Et pourquoi pas la Normandie ? Honfleur, Deauville. Un dĂ©jeuner aux Vapeurs, Ă  Trouville.

RĂ©ceptionniste, je me fais concierge et me plonge dans les mĂ©andres de la SNCF. Navigation trop alambiquĂ©e pour deux jeunes sexagĂ©naires qui disent ne piper mot Ă  internet, qui plus est en français. Bon joueur, je m’attelle Ă  la tĂąche et leur rĂ©serve billets de train et nuits d’hĂŽtel. Sur Booking je trouve leur bonheur, je leur propose d’appeler l’hĂŽtel en question. D’hĂŽtelier Ă  hĂŽteliĂšre, je marchande un peu. Et avec force politesse, j’obtiens une ristourne de 200 euros (les commissions dĂ©volues Ă  Booking s’Ă©vaporent). 

AccoudĂ©s Ă  la rĂ©ception, sous l’Ɠil mi-las mi-amusĂ© de ma patronne, nous finalisons leur rĂ©servation et ils me parlent de leur sĂ©jour Ă  Paris. 

— C’est Ă©tonnant comme tout le monde est gentil avec nous. On sait que vous n’aimez pas trop les AmĂ©ricains. Nous, on aime les Français. Et, oooooohhhh, on s’excuse teeeelllllllemeeeent pour le prĂ©sident Trump et compagnie.

Peinant Ă  dissimuler leur joie, Margaret et Ronald me parlent un peu d’eux, me font parler de moi. Ce qui je l’avoue ne m’est pas difficile. Nous sympathisons. Assez pour les taquiner lorsque la discussion se poursuit plus tard sur le perron de l’hĂŽtel. Ils s’apprĂȘtent Ă  sortir dĂźner dans le quartier. Ronald avoue : 

— C’est vrai, je suis souvent Ă  rĂąler, ronchonner, oui, vous avez raison, mais vous savez, je suis avocat, entre le bien-fondĂ© de votre charmante thĂ©orie du verre Ă  moitiĂ© plein et les raisons objectives de se plaindre, il y a un monde et je l’explore.

Sous le regard enjouĂ© et complice de sa compagne, je rĂ©ponds : 

— Voyez comme vous vous justifiez. Votre mauvaise humeur lasse votre Ă©pouse, elle vous emmĂšne Ă  Paris, profitez-en !

Elle et son compagnon se regardent et Ă©clatent de rire. 

Prenant congĂ©, Ronald me lance un jovial : 

— Un jour, nous visiterons votre PĂ©rigord natal et Bergerac aussi.


billet initialement publié sur des fraises et de la tendresse en juin 2013

Commentaires

    • Je viens de vĂ©rifier, le billet date bien de 2013. Et mĂȘme si Obama Ă©tait alors prĂ©sident, Trump faisait dĂ©jĂ  parler de lui, et pas en bien. Je ne me souviens pas de ses frasques d’alors mais bien que ces clients m’en aient parlĂ©.

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