La voisine volubile du 68

La voisine volubile du 68
le ballon suspendu fait un clin d'Ɠil à la dame

Comment claquer le beignet des malotrus causant (trĂšs) fort dans leur tĂ©lĂ©phone, dans le bus, dans le mĂ©tro, au risque, au mieux, de se faire envoyer sur les roses, au pire, de se faire refaire le portrait. Mais merde quoi. Souvent, je rĂ©colte de vagues excuses et la fin de la conversation tĂ©lĂ©phonique, et souvent, aussi, l’approbation des passagers n’osant pas, ou faisant comme si beugler sa vie privĂ©e au nez et la barbe des voisins allait de soi, ou pensant (Ă  raison, hĂ©las) qu’il ne servait Ă  rien de s’opposer ou mĂȘme de dire simplement les choses.

La plupart du temps, je rentre dans le rang, je laisse couler, ou je dis, et je pisse dans un violon.

Ce soir, dans le bus 68 me conduisant Ă  Denfert-Rochereau, une dame, la soixantaine, traĂźne son caddie et s’assied Ă  cĂŽtĂ© de moi. Son portable sonne. Elle dĂ©croche. Et parle fort, trĂšs fort. Je ne peux m’empĂȘcher une rĂ©action Ă©pidermique. Je me penche et lui envoie un bon gros « chut ». « CHUT ! » Visiblement, je la dĂ©range. Elle m’envoie promener d’un geste qui ne souffre aucune discussion. Et elle poursuit son appel. Au terme duquel elle finit par me marmonner des excuses. Vous comprenez, on m’appelle du Maroc, blablabla. Je lance un sourire signifiant « c’est pas grave. » Je coupe court Ă  ce qui s’annonçait ĂȘtre un semblant d’Ă©change. Durant le trajet, elle me glisse des Ɠillades coupables. Je m’en veux d’avoir Ă©tĂ© tranchant. Le bus s’arrĂȘte pour moi. Je vais vers elle. Lui pose une main amie sur le bras, et je lui explique ma rĂ©action Ă©pidermique. Vous savez, l’habitude, les gens qui, etc. Je n’ai rien contre vous, excusez-moi. Je n’ai pas lĂąchĂ© son bras. Elle m’accorde un sourire qui brille de ses deux ou trois dents en or ou simili. C’est un beau sourire mĂ©diterranĂ©en, chaleureux. « Je n’ai rien contre personne, » me dit-elle.

Au feu tricolore, le bus est Ă  l’arrĂȘt. Sur le trottoir, je dĂ©ploie ma trottinette, y pose un pied alerte. Je scrute le coin de bus oĂč trĂŽne ma voisine volubile. Elle me fait un coucou. Et reprend son chemin.

billet revu et corrigé, initialement publié sur des fraises et de la tendresse en juillet 2013

Commentaires

  1. michelle Brun

    Ah! 2013 🙂 je me demandais ce que tu pouvais bien faire à Denfert-Rochereau.

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