
Sâil est un lieu que jâambitionnais de visiter dans mes pĂ©rĂ©grinations parisiennes, câest lâespace Le Club de la RATP. Câest aujourdâhui chose faite. Le Club sâinspire certainement de ces dispendieux fauteuils en cuir qui trouvent en lâespace de convivialitĂ© de la RATP de maigrichonnes copies en skaĂŻ, aussi confortables que lâespace est accueillant. Nous sommes cinq Ă faire le pied de grue. Nous nâarracherons pas la languette de papier dâune « poireauteuse » en panne. Il semble dâailleurs quâune bonne partie de lâĂ©quipement en ce chaleureux espace ait dĂ©clarĂ© forfait.
Câest peut-ĂȘtre la raison pour laquelle pas moins de 3 agents se penchent sur le cas dâun couple candidat au Pass’ Bidule â abonnement aux transports franciliens. Aux 5 clients prĂ©sents, sâajoute une jeune femme. Elle entre et stationne debout. Ce qui visiblement dĂ©range lâagent A, qui dâun ton peu amĂšne, dĂ©signe le dernier fauteuil vacant et dĂ©clare : « il faudra vous asseoir lĂ -bas. » Mes camarades et moi Ă©changeons des regards interloquĂ©s. Avons-nous bien entendu ? La jeune femme ne veut pas sâasseoir et le fait savoir. Lâagent A retourne dans sa niche. Il trouvera vite un nouvel os Ă mordre lorsquâun septiĂšme quidam fait son entrĂ©e.
« Monsieur, je vais vous demander dâattendre dehors, » aboie l’agent A. Tandis que le client sâexĂ©cute, lâagent A sâempresse de dĂ©sactiver lâouverture automatique de la porte. Puis, lorsqu’au jeu de chaises musicales, une place se libĂšre, il dĂ©ploie toute son ingĂ©nierie pour appuyer sur le bouton « ouvrir la porte ». Et le talent de lâagent A dĂ©passe lâentendement quand, par le simple pouvoir de la pensĂ©e, il actionne mon agacement qui lui-mĂȘme actionne mon index droit qui actionne ce bouton. Ainsi lâagent nâa plus Ă bouger ni un cil ni un orteil. Quel talent ! Il peut par exemple se saisir du dossier rouge pour le dĂ©placer Ă loisir.
Lâagent A nâa pourtant pas la subtilitĂ© de sa collĂšgue, lâagent C qui, pendant une petite heure, se contentera de se gratter le coin de lâĆil avant de glisser ses mains dans les poches de son pantalon. Ah ! Le glissement des mains dans les poches de pantalon. Tout un art. Lâagent B que je ne vous ai pas prĂ©sentĂ©e se dĂ©bat, elle, contre lâordinateur et lâimprimante qui plantent. Elle gratifiera rĂ©guliĂšrement les clients de sourires gĂȘnĂ©s aux entournures. « Excusez-nous, monsieur, me dira-t-elle, lâordinateur rame. » (de mĂ©tro). « Ce nâest pas grave, dis-je, jâai la journĂ©e. » Le jeune homme qui avait posĂ© une fesse sur mon canapĂ© ajoute dans un rire : « pour ma part, je nâai que la matinĂ©e ».
En lâespace Le Club de la RATP, tout le monde rit. Câest la fĂȘte Ă la RATP. Mais soudain, frappĂ© d’une fulgurance, lâagent A propose une commande Ctrl+Alt+Suppr pour accĂ©der au gestionnaires des tĂąches de lâordinateur. Une idĂ©e qui, visiblement, lâa Ă©puisĂ©. Car penaud il retourne Ă ses menues activitĂ©s. Le maniement de la broyeuse Ă papier et lâindĂ©modable dĂ©placement de dossiers de couleurs. De lâarmoire au guichet, du guichet au bureau voisin, du bureau voisin au comptoir. Joue-t-il Ă Mastermind avec lâhomme invisible ? Jamais on ne le saura.
Le Club de la RATP n’a pas fait long feu. En atteste la vraie fausse page 404 vers laquelle pointe l’URL (la RATP ne manque pas d’humour).
billet publié sur des fraises et de la tendresse en janvier 2011