Qui sur ma trottinette…

« Quand Monsieur Fraises lui montre sa trottinette, le fou regarde ses chaussures
 et veut acheter les mĂȘmes. » – Monsieur Trois sur la plateforme Ă  l’oiseau bleu quand elle Ă©tait encore frĂ©quentable.

Ce billet est le résultat de deux billets initialement publiés en mars 2013, relus et corrigés avec mes yeux de 2024.


Nous sommes en 2013. Les trottinettes Ă©lectriques n’ont pas encore envahi les rues. Elles sont mĂ©caniques, elles avancent Ă  l’huile de genou.

Barbe au vent, je pile au croisement de la rue Caulaincourt et la rue Joseph-de-Maistre, en haut du cimetiĂšre de Montmartre. Je poursuis mon chemin Ă  pied, la trottinette sous le bras. Un passant m’interpelle. Il admire la facilitĂ© que j’ai eue Ă  la dĂ©plier puis la replier. Un peu plus tard, le serveur du bar gay profite de me souhaiter le bonsoir, de m’embrasser pour me l’emprunter et faire un tour rue des Archives, dans le Marais. Et l’ami Michel qui me la pique pour se rendre Chez Vito, vingt mĂštres plus loin, non sans lancer un Â«Â YeeeHaaaaaa » triomphant.

Quelques heures plus tĂŽt, je gravis les marches menant aux bureaux d’une sociĂ©tĂ© proposant services et conseil aux hĂŽteliers. L’hĂŽtesse ouvre la porte, me souhaite la bienvenue, roule des yeux Ă©carquillĂ©s quand je lui demande Â«Â vous avez un garage pour ma trottinette ? ». Vite armĂ© d’une coupe de champagne, je range manteau et vĂ©hicule dans le vestiaire. Au terme d’une demi-heure de bavardage avec les invitĂ©s de cet apĂ©ro-boulot, j’Ă©coute la prĂ©sentation, les discours ornĂ©s de franglais Ă  chaque coin de phrase. Parmi les convives, des directeurs et/ou propriĂ©taires d’hĂŽtels 4 Ă©toiles, des directeurs financiers, commerciaux, tous en costard-cravate, je fais tache. Casquette, jeans, baskets rouges et bleues.

Le lendemain, buvant Ă  pleine gorgĂ©e le rayon de soleil de fin mars, je roule encore Ă  trottinette. Je glisse sur le bitume, slalome entre piĂ©tons et caddies. AccĂ©dant Ă  ma rue, Ă  l’angle du cimetiĂšre du Montparnasse, je croise le neveu de la gardienne, au bras de sa compagne. Il m’interpelle : Â«Â Ah, ça, c’est Ă©cologique, au moins. »

Non content de me donner la banane, elle me raccourcit singuliĂšrement mes trajets. Et m’emplit de tendresse quand je la prĂȘte Ă  des amis, quand ils retombent en enfance deux minutes, un soir sur un trottoir parisien :

« Faisons un tour de trottinette, » dis-je Ă  mon amie Amandine. Prolonger la douceur de l’apĂ©ro saucisson-Bourgogne par un bout de chemin, jusqu’Ă  la station GaĂźtĂ©, pour rejoindre son Saint-Ouen chĂ©ri. Cheveux au vent, Amandine fend la bise, alerte, s’amuse. « Tu freines en appuyant le pied sur le garde-boue arriĂšre, pas ce pied, l’autre. » « Attention Ă  ta jupe ! » Au terme de deux ou trois avertissements amusĂ©s, je vois la jupe de l’amie glisser puis tomber sur la trottinette, voleter gaiement en son sillage. Et l’amie qui roule, rieuse. J’insiste : « Ta jupe, tu as perdu ta jupe ! ». 

À l’angle de l’avenue du Maine et de la rue Froidevaux, nous rions, nous nous tordons, nous en pleurons de rire, tandis qu’elle tente en vain d’enfiler de nouveau sa jupe. Â«Â Tu vois, Lolo, j’ai un jupon en satin et la jupe fait main n’avait sĂ»rement pas une bonne attache. Sur le satin, ça glisse. » Comme mon engin sur la chaussĂ©e ou les soucis sur nos Ă©paules insouciantes.  

Commentaires

  1. Je me souviens t’avoir vu sur ta trottinette , sans doute Ă  un kdb ou truc voisin.

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