Je vous demande de vous asseoir !

une main jouant Ă  Mastermind
Jeu de Mastermind de poche. (Illustration : flöeschen, sous licence Creative Commons, Flickr.com)

S’il est un lieu que j’ambitionnais de visiter dans mes pĂ©rĂ©grinations parisiennes, c’est l’espace Le Club de la RATP. C’est aujourd’hui chose faite. Le Club s’inspire certainement de ces dispendieux fauteuils en cuir qui trouvent en l’espace de convivialitĂ© de la RATP de maigrichonnes copies en skaĂŻ, aussi confortables que l’espace est accueillant. Nous sommes cinq Ă  faire le pied de grue. Nous n’arracherons pas la languette de papier d’une « poireauteuse » en panne. Il semble d’ailleurs qu’une bonne partie de l’équipement en ce chaleureux espace ait dĂ©clarĂ© forfait.

C’est peut-ĂȘtre la raison pour laquelle pas moins de 3 agents se penchent sur le cas d’un couple candidat au Pass’ Bidule – abonnement aux transports franciliens. Aux 5 clients prĂ©sents, s’ajoute une jeune femme. Elle entre et stationne debout. Ce qui visiblement dĂ©range l’agent A, qui d’un ton peu amĂšne, dĂ©signe le dernier fauteuil vacant et dĂ©clare : Â« il faudra vous asseoir lĂ -bas. Â» Mes camarades et moi Ă©changeons des regards interloquĂ©s. Avons-nous bien entendu ? La jeune femme ne veut pas s’asseoir et le fait savoir. L’agent A retourne dans sa niche. Il trouvera vite un nouvel os Ă  mordre lorsqu’un septiĂšme quidam fait son entrĂ©e.

« Monsieur, je vais vous demander d’attendre dehors, Â» aboie l’agent A. Tandis que le client s’exĂ©cute, l’agent A s’empresse de dĂ©sactiver l’ouverture automatique de la porte. Puis, lorsqu’au jeu de chaises musicales, une place se libĂšre, il dĂ©ploie toute son ingĂ©nierie pour appuyer sur le bouton « ouvrir la porte ». Et le talent de l’agent A dĂ©passe l’entendement quand, par le simple pouvoir de la pensĂ©e, il actionne mon agacement qui lui-mĂȘme actionne mon index droit qui actionne ce bouton. Ainsi l’agent n’a plus Ă  bouger ni un cil ni un orteil. Quel talent ! Il peut par exemple se saisir du dossier rouge pour le dĂ©placer Ă  loisir.

L’agent A n’a pourtant pas la subtilitĂ© de sa collĂšgue, l’agent C qui, pendant une petite heure, se contentera de se gratter le coin de l’Ɠil avant de glisser ses mains dans les poches de son pantalon. Ah ! Le glissement des mains dans les poches de pantalon. Tout un art. L’agent B que je ne vous ai pas prĂ©sentĂ©e se dĂ©bat, elle, contre l’ordinateur et l’imprimante qui plantent. Elle gratifiera rĂ©guliĂšrement les clients de sourires gĂȘnĂ©s aux entournures. « Excusez-nous, monsieur, me dira-t-elle, l’ordinateur rame. Â» (de mĂ©tro). « Ce n’est pas grave, dis-je, j’ai la journĂ©e. Â» Le jeune homme qui avait posĂ© une fesse sur mon canapĂ© ajoute dans un rire : « pour ma part, je n’ai que la matinĂ©e Â».

En l’espace Le Club de la RATP, tout le monde rit. C’est la fĂȘte Ă  la RATP. Mais soudain, frappĂ© d’une fulgurance, l’agent A propose une commande Ctrl+Alt+Suppr pour accĂ©der au gestionnaires des tĂąches de l’ordinateur. Une idĂ©e qui, visiblement, l’a Ă©puisĂ©. Car penaud il retourne Ă  ses menues activitĂ©s. Le maniement de la broyeuse Ă  papier et l’indĂ©modable dĂ©placement de dossiers de couleurs. De l’armoire au guichet, du guichet au bureau voisin, du bureau voisin au comptoir. Joue-t-il Ă  Mastermind avec l’homme invisible ? Jamais on ne le saura.




Le Club de la RATP n’a pas fait long feu. En atteste la vraie fausse page 404 vers laquelle pointe l’URL (la RATP ne manque pas d’humour).

billet publié sur des fraises et de la tendresse en janvier 2011

Commentaires

Pas encore de commentaires. Laisse une trace (cordiale) de toi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

− 4 = 2
Powered by MathCaptcha