Les baskets dorées de Claudette

J’étais tellement choqué par la réponse que je n’ai pas su quoi répondre. J’échangeais avec la médecin de l’ehpad à propos de la santé de ma mère. J’évoquais brièvement les actions que ma sœur et moi déroulions pour apporter un peu de joie ou de confort, de l’air du dehors, je m’inquiétais de l’inertie de l’établissement à offrir un horizon. « Mais votre mère n’a pas d’horizon. » La réponse était tellement catégorique, condescendante, que j’en étais resté comme deux ronds de flan. Elle avait autant d’empathie qu’un train électrique.

Mettons ça sur le compte de la maladresse ou d’une brusque carence d’humanité car elle est par ailleurs à l’écoute, présente, efficace. Passons.

J’ai invité ma mère à faire un peu de shopping (entre les quatre murs de sa chambre), à l’intéresser de nouveau à son courrier, aux catalogues de VPC qu’elle reçoit chez ma sœur. Lui faisant part de mes trouvailles sur Vinted, je lui propose de faire du lèche-vitrines virtuel, de chercher des baskets confortables qui lui font défaut. Notre choix se porte sur une paire vraiment bon marché (et sympa, surtout) de la marque aux trois bandes, dorée.

Elle les porte déjà. Au grand dam d’une aide-soignante qui râle devant une tâche supplémentaire : nouer ses lacets. Ma sœur lui propose de rétorquer à la chouineuse⁽¹⁾ : « Ça vous donnera l’occasion de me parler, pour une fois. »

Ironie du sort, mise à jour du billet en direct à peine différé, elle se fait opérer aujourd’hui pour une fracture du col du fémur. Les baskets dorées attendront un peu.

⁽¹⁾ Fort heureusement, un cas isolé. Au doigt mouillé, 80% du personnel se met volontiers en quatre, est gentil, professionnel, dévoué.