Chère factrice,
Si par un heureux caprice vos sabots vous menaient jusque sur le seuil de cette porte, je vous saurais gré d’avoir l’extravagance de sonner chez notre gentille gardienne afin de lui remettre ce colis que j’attends désespérément. Je n’ignore pas que Colissimo vous tanne pour que vous glissiez dans nos boîtes aux lettres le maximum d’avis de passage et délivriez le moins de colis possible. Mais si vous daigniez vous rebeller et alléger votre baise-en-ville de ce volumineux paquet que j’espère, vous feriez un homme heureux.
Voyez comme le bonheur se niche dans les choses les plus minuscules. Dans les fleurs de pissenlit dont j’attends la floraison prochaine. Dans la panosse que ma gardienne – toujours elle – fait danser sur le couloir fuligineux. Dans les platitudes échangées avec mon voisin lunaire quand il évoque ses géraniums ou son palétuvier. Dans le carré de chocolat que la marmotte loge dans le papier aluminium. Dans mon regard lorsque tard ce soir revenant d’une longue journée de labeur comme la vôtre je trouverai sur le coin de ma boîte aux lettres le petit carré de carton vert griffonné par ma gardienne et signalant votre miraculeux passage.
J’aurai, vous vous en doutez, plus de plaisir à me rendre chez elle demain matin qu’à faire le pied de grue dans un de vos bureaux de poste.
Bisous,
Laurent